Le prétexte : refuge transalpin pour gastronome dominical errant, le contexte : chez RAP, les classiques swingent.
Novembre 2011.
RAP, trois lettres un peu Rudes A Prononcer, derrière lesquelles se cache une femme qui n’a plus Rien A Prouver. Une italienne avec l’accent dansant, native de Gênes, qui après une escale réussie à Marseille, a ouvert son Restaurant A Paris, le Ristorante Alessandra Pierini.
Regarde autour de toi, c’est pas ambiance trattoria, mais plutôt gastronomia. Une salle feutrée comme un Stetson de James Dean, lumière tamisée et linge de table designé. Cette douceur efféminée, c’est un leurre, un calme temporaire avant l'entrée en piste des artistes.
RAP, c’est un duo. Pour donner le tempo, Alessandra est escortée d’un sommelier aux airs de savant fou qui connaît le vignoble italien aussi bien que toi le plan du métropolitain. Il a l’œil vif et allumé du mec passionné. A la moindre de tes question, il dégaine avec enthousiaste une carte de la botte italienne en région pour te montrer in situ où a grandit le vin nature que tu trouves si joli.
Umberto Portinari, Soave Classico, Ronchetto 2009
Tomate, mozzarella
En mise en bouche, un blanc de Vénétie qui a la fraîcheur du Nord et la minéralité intense d’un baiser d'Amor. La petite brochette tomate-mozza a du mal à faire le poids, heureusement la câpre de Pantelleria, croquante, acide, et de petites olives nerveuses, viennent en renfort rééquilibrer la mise.
Tartelette aux cèpes
Le dénominateur commun des plats d’Alessandra ? Le trait de pesto qui trace sa route sur chaque assiette. Comme un drapeau vert-blanc-rouge qui claque au vent. Tu trouves ça un peu grossier. Et si tu zappes ce petit sillon, t’es toujours en Italie ? Ben oui, parce que la cuisine à l’italienne, c’est pas seulement la pizza ou la pasta. C’est tout une philosophie, un jeu de construction à partir de produits d’exception, un minutieux dosage entre l’amertume et le gras, tout ça dans le tempo des régions. La tartelette feuilletée honorée de cèpes frais finement tranchés est un ardu jeu d’équilibre. Entre le croustillant et le fondant, le suave et le brut, tu es tout déstabilisé et complètement charmé.
Gambas et lardo di colonnata
La gambas décomplexée assume de son côté totalement sa nudité. En se parant d’un voile translucide de lardo di colonnata des plus osés, elle te fait vibrer. Visuellement c’est érotique, en bouche c’est carrément pornograstronomique. La chair dodue, le gras fondant, c’est décadent.
Colli orientali del friuli, Friulano « Vecchia Vigna al Clivi » 2009
Boire Friulano avec les antipasti, c’est humer de son petit nez le parfum prononcé d’une pomme verte juteuse et joyeuse, coquine et croquante. Un vin équilibré tout en minéralité, qui puise son intense salinité dans sa proximité de Trieste.
Rouget, Taglioni à la tomate et betterave
En primi piatti, la pasta, pas celle que tu fais chez toi, mais celle à l’italienne, traitée au cas par cas. Avec le rouget, des taglioni tout en douceur. Une pasta même pas al dente, presque déformée, qui susurre à ton palais la générosité de la mamma passionnée.
Gnocchi à la farine de châtaigne, chanterelles, fromage sarde de brebis
Mais la quintessence de la pasta, celle qui te trifouille les entrailles comme si tu avais croisé la Madone en personne, c’est cette assiette de gnocchi bien fournie. La souplesse d’un félin, la douceur de sa fourrure et sa rondeur dodue qui appelle le réconfort, impossible de ne pas capituler à l’ivresse de ses caresses.
Damijan Podversic - Malvasia Istriana 2007
Malvasia Istriana est un rejeton de la biodynamie. Des fleurs blanches, du jasmin, de la pêche, l’Italie l’été comme tu aimes la fleurer, quelque chose de joyeux et précieux dont tu ne peux pas te lasser.
Filets de maquereau, escargots, anchois, tomates
Carré d’agneau, anis étoilé, café et millefeuille de pommes de terre
Le bon plan chez RAP ? Le menu dégustation pour toute une tablée. Ce soir là pour 5 convives, c’est trois menus dégustation différents en quatre temps qui ont virevolté sous les couverts argentés. Soit une immersion complète dans l’univers chatoyant d’une chef passionnée. Des produits de grande qualité, des cuissons maîtrisées, une touche de presqu’île transalpine et le tour est joué.
Des vins nature que ton gosier n’a pas encore testés, une sélection introuvable même au Verre Volé. Comme ce Barbichè de Coutandin, un rouge aux reflets meurtriers, un caractère bien trempé et des pensées insondables à te faire frissonner. Un délice de fruits vifs et passionnés, de la cerise noire acidulée et de la fraise très sucrée.
RAP
24, rue Rodier
75009 Paris
Tél : 01 45 26 86 26
Ouvert du mercredi au dimanche
A la carte : 35-50 €
En face, au numéro 15, l’épicerie RAP pour cuisiner « a casa » avec les vrais produits de là-bas.